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Condition suspensive d’obtention de prêt : démarche en l’absence d’attestation

Publié le 10/10/2024

Chaque nouvelle décision apporte sa pierre à l’édifice jurisprudentiel construit autour du mécanisme juridique de la condition suspensive d’obtention de prêt prévue par l’article L. 313-41 du code de la consommation, ainsi que l’illustre le présent arrêt inédit de la Cour de cassation.

Dans cette affaire, une société immobilière A. (la promettante) a conclu, le 14 novembre 2019, avec une autre société B. (la bénéficiaire) une promesse unilatérale de vente expirant le 30 janvier 2020. L’acte comportait une condition suspensive devant se réaliser au plus tard le 14 janvier 2020, selon laquelle la bénéficiaire devait solliciter, dans un délai de 15 jours, un prêt bancaire de 701 700 €. Il était également prévu que « pour pouvoir bénéficier de la protection de cette condition suspensive, le bénéficiaire devra se prévaloir, au plus tard à la date ci-dessus, par télécopie ou courrier électronique confirmés par courrier recommandé avec avis de réception adressé au promettant à son domicile élu, du refus de ce ou de ces prêts ».

La société bénéficiaire n’ayant pas levé l’option, la promettante l’a mise en demeure de lui payer la somme de 62 000 € au titre de l’indemnité d’immobilisation stipulée, puis l’a assignée en paiement de cette indemnité en avril 2020.

La cour d’appel (Nancy, 15 juin 2022) a fait droit à la demande en paiement de la promettante et la bénéficiaire s’est pourvue en cassation.

Selon cette dernière, l’indemnité d’immobilisation ne doit pas être payée par le bénéficiaire de la promesse en cas de défaillance de la condition suspensive d’obtention de prêt, sauf si celui-ci en a empêché l’accomplissement, et il incombe alors au promettant d’en rapporter la preuve.

La bénéficiaire reproche précisément aux juges d’avoir considéré que le défaut d’information du promettant, dans le délai de réalisation de la condition suspensive, sur l’absence de réponse de la banque à sa demande de prêt (conforme aux stipulations contractuelles), constitue une faute de sa part ayant empêché la réalisation de ladite condition, alors que cette hypothèse n’était pas prévue par la promesse de vente, ce qui constitue, selon elle, une dénaturation de l’écrit qui leur était soumis (violation des articles 1103, 1304-3 et 1353 du Code civil).

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel et rejette le pourvoi :

A NOTER :

En vertu de l’article 1304-3 du Code civil, « La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement ».

Dans le contexte d’une vente immobilière, il appartient au vendeur de prouver que c’est exclusivement le comportement fautif de l’acquéreur, au regard des stipulations contractuelles, qui a fait obstacle à la réalisation de la condition suspensive d’obtention de prêt dans le délai imparti, à charge ensuite pour l’acquéreur de démontrer qu’il a, au contraire, fait toute diligence pour que la condition soit accomplie en temps utile.

En l’espèce, l’établissement d’une telle faute, ouvrant droit à indemnisation au profit du promettant, n’était pas acquis, dès lors que le bénéficiaire avait bien respecté son engagement de rechercher le financement requis dans les conditions stipulées, puisque la promesse de vente ne prévoyait pas expressément l’obligation pour ledit bénéficiaire d’informer celui-ci, dans le délai maximal de réalisation de la condition, de l’absence de réponse des établissements financiers à sa(ses) demande(s) de prêt, mais seulement du(des) refus de prêt reçu(s) (ce qui est généralement le cas)…

La Haute cour s’en est, en conséquence, remise au pouvoir souverain des juges du fond dans l’interprétation des clauses du contrat soumis à leur analyse, même si la position des magistrats peut paraître, selon nous, un peu sévère pour un acquéreur de bonne foi (mais, en pratique, comment apprécier cette bonne foi autrement ?), qui n'est pas responsable de l’absence de réponse de la banque dans le délai imparti (d’où l’importance pour les rédacteurs d’acte de prévoir un délai suffisant pour l’obtention du prêt). Il aurait, en effet, pu être considéré que ce n'est pas ce défaut d'information de la part de l'acquéreur qui a fait défaillir la condition suspensive, mais seulement l'absence de réponse de l'établissement financier dans le délai de réalisation de la condition (soit présentation tardive à l'emprunteur d'une offre de prêt conforme, soit obtention tardive par celui-ci d'un refus de prêt).

Il résulte de cette décision qu’il est de l’intérêt de l’acquéreur qui, bien qu’ayant entrepris toute démarche utile, n’aurait pas encore reçu de réponse à sa demande de prêt dans le délai de réalisation de la condition suspensive, de ne pas laisser le vendeur (et l’agent immobilier) dans l’expectative et de l’informer par écrit dans ce même délai (et selon le formalisme prévu pour justifier du refus de prêt lui-même) qu’il est toujours dans l’attente d’une réponse de la banque (à réception ultérieure du(des) refus de prêt, le cas échéant, il lui appartiendra de le(s) produire). Selon les juges, l'obligation prévue dans la promesse de vente (PUV ou compromis) de produire soit l'offre de prêt, soit le refus de prêt, avant l'expiration du délai susvisé, sous-tend nécessairement pour l'acquéreur, si telle est la situation, l'obligation d'informer qu'il n'a pas encore reçu de réponse du(des) établissement(s) sollicité(s)...

Cette transparence dans l'information permet d’ailleurs aux parties qui souhaiteraient poursuivre la vente (et donc à l’agence), d’organiser à temps les conséquences de cette situation, par la signature d’un avenant de prorogation des délais de la promesse de vente (de réalisation de la condition suspensive d’obtention de prêt et de réitération par acte authentique) avant que l’avant-contrat (PUV ou compromis) ne soit caduc (à l'expiration du délai de réalisation de la condition suspensive).

Notons que cela ne dispense pas, pour autant, l'agent immobilier de s'enquérir, en temps utile, auprès de l'acquéreur, de l'avancement des démarches de ce dernier dans l'obtention de son prêt, tout en s'en ménageant la preuve, sous peine de risque de responsabilité civile professionnelle à l'égard du vendeur, pour absence de diligences suffisantes dans la réalisation de sa mission (non suivi de l'exécution du contrat par les parties)...

 

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